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lundi 6 janvier 2020

Le cycle de la Table ronde

 Le cycle de la Table ronde


Le cycle de la Table ronde est une vaste ensemble de textes médiévaux qui s'articulent autour des romans d'Arthur, du Graal, de Merlin et de Lancelot. On parle aussi de cycle arthurien, de cycle breton, de cycle armoricain ou encore de cycle du Graal. Le nom de Table ronde provient de ce que les chevaliers réunis autour d'Arthur s'assemblaient autour d'une table qui avait cette forme, pour signifier qu'il n'y avait pas de préséance entre eux. Le titre de cycle breton ou armoricain, « matière de Bretagne » disait-on au Moyen âge, rappelle l'origine de la légende née dans la Grande-Bretagne (plus exactement chez les Gallois) ou dans l'Armorique (on verra plus loin que la localisation précise de cette origine a donné lieu à deux opinions différentes). Enfin on dit cycle arthurien parce qu'Arthur est le centre autour duquel se déroulent les  événements des divers récits, bien qu'il n'y joue en général par lui-même qu'un rôle peu important.Vers la fin du Ve siècle, Arthur, chef d'un clan des Bretons (Wala, d'où Waleis, Gallois) refoulés par la conquête saxonne dans le Sud-Ouest de la Grande-Bretagne (pays de Galles), s'était acquis une grande renommée dans la lutte contre les envahisseurs qu'il avait vaincus plusieurs fois, entre autres sur le mont Badon près de Bath, Il devint bientôt le héros principal de chants populaires épiques dont l'existence est attestée, bien qu'il n'en soit resté aucun monument authentique. Les principaux éléments de sa légende furent réunis au IXe siècle dans la chronique latine, Historia Britonum, attribuée à Nennius; au XIIe siècle, Gaufrei de Monmouth inséra dans son Historia Regum Britanniae quelques-uns des contes gallois sur Arthur et contribua ainsi à leur diffusion dans le monde des clercs. Par le temps, les premiers récits sur le glorieux adversaire des Saxons s'étaient d'ailleurs transformés en élargissant singulièrement le cadre de ses exploits. Vainqueur des Saxons, non seulement il les avait chassés de l'île, mais il avait soumis les Pictes et les Calédoniens, et conquis l'Irlande; puis abordant en Scandinavie, il avait subjugué le pays et avait finalement établi sa suprématie sur la Gaule elle-même. Il allait s'emparer de Rome quand il fut rappelé en Bretagne par la trahison de son neveu Modred qui, laissé là comme régent, avait fait courir le bruit de sa mort, s'était proclamé roi et avait épousé sa femme Guanhumara (Guenièvre). Grièvement blessé dans un combat livré contre les rebelles, Arthur avait été emmené sur une barque enchantée dans l'île d'Avalon, pays fortuné où les héros morts jouissent d'un bonheur constant en compagnie des fées et d'où plusieurs sont revenus vivants. Arthur devait lui aussi reparaître quelque jour et rendre aux Bretons l'empire qu'ils avaient perdu. Ces légendes se propagèrent en Armorique par les Bretons qui s'y étaient réfugiés pour conserver leur indépendance.
Ce n'est cependant pas par l'Historia Regum Britanniae, ni par la Prophetia Merlin, ni par la Vita Merlini du même Gaufrei qui, dans ces deux dernières oeuvres, associait Merlin à Arthur, que les contes relatifs à ce dernier pénétrèrent dans la société du Moyen âge, perdant d'ailleurs de plus en plus de leur caractère primitif au fur et à mesure qu'ils s'étendaient davantage. Gaufrei ne parle pas de la table ronde; la première mention nous en est donnée par Wace dans les vers suivants de son
Roman de Brut :

Por les nobles barons qu'il ot (eût)
Dont essence mieldre (meilleur) estre quidot (croyait)...
Fist Artus la roonde table
Dont Breton dient mainte fable
Hoc (là) seieent (s'asseyaient) li vassal (guerriers)
Tuit (tous) chevalment (en chevaliers) et tuit ingal (égaux)
(Brut, V. 9994-10001, édit. Leroux de Lincy).
D'après le Lancelot en prose, Arthur avait reçu la Table ronde de Léodegan, roi du pays de Carmélide, comme dot de Guenièvre. Robert de Boron dit, de son côté, que Merlin l'avait établie pour Uter Pendragon à Carduel en Galles, où Arthur s'installa plus tard. Dans cette tradition plus primitive que celle du Lancelot, la Table a 50 sièges dont un vide réservé au chevalier qui conquerra le Graal; dans Lancelot elle a tantôt 150, tantôt 100 places.Avant Wace, en 1137, le troubadour Marcabrun dit de lui-même qu'il est « perdu comme Arthur » (Paul Meyer, Marcabrun, dans la Romania, VI, 123). Dès les premières années même du XIIe siècle on trouve en Italie dans des chartes des noms comme Artusius et Walwanus (Gauvain), qui attestent l'étonnante rapidité de la diffusion des contes arthuriens (Pio Rajna, Contributi a la Storia dell'epopea, dans la Romania, XVII, 355 et suiv.). Comment s'était opérée cette diffusion? Ici les avis diffèrent et deux écoles les représentent l'une, celle de Gaston Paris et de presque tous les romanistes et celtistes français et anglais; l'autre à la tête de laquelle se sont trouvés, quoique pas en communauté complète d'idées, Zimmer et W. Foerster, suivis par une partie des romanistes et celtistes allemands. D'après la première école, à laquelle nous nous rallions, la « matière de Bretagne » est d'origine insulaire; suivant la seconde, le nom de Bretagne désignerait l'Armorique.
Jusqu'à la fin du XIe siècle les relations entre les Bretons d'Armorique et la Gaule romanisée et francisée avaient été à peu près nulles, au moins pacifiquement. Au contraire, l'établissement des Normands en Angleterre (1066, amena - nous résumons une partie des arguments e Gaston Paris, J. Loth, F. Lot et Alf. Nutt. - entre le monde roman et ce qui restait du monde celtique un contact plus intime qu'il ne l'avait été jusque-là. Dans la culture des Gallois, la musique et la poésie tenaient une place considérable et, déjà à l'époque de l'heptarchie anglo-saxonne comme plus tard sous la domination danoise, les musiciens gallois franchissaient les limites de leur pays d'origine pour venir exécuter chez les Anglo-Saxons et les Norrois eux-mêmes, ces lais, qui eurent depuis un si grand charme pour le public français. Chez les nouveaux maîtres de l'Angleterre, les chanteurs et musiciens bretons trouvèrent un accueil empressé; ils ne tardèrent pas à passer la mer et de nombreux témoignages qui ne dépassent guère à la fin du XIIe siècle, nous les montrent à cette époque exécutant avec grand succès leurs lais dans toutes les grandes ou petites cours du Nord de la France. Nous n'avons pas à revenir ici sur les lais qui ont été étudiés dans un article spécial. Rappelons seulement qu'ils se rattachent étroitement au cycle breton, et que plusieurs d'entre eux ont été développés plus tard de manière à donner de vrais romans (lai du Frêne de Marie de France et GaleranEliduc par la même et Ille et Galeron par Gautier d'Arras; mais ces romans n'ont pas été reliés par leurs auteurs au cycle de la Table ronde). D'autres lais, consacrés à un même héros, ont été soudés ensemble pour lui composer une sorte de biographie poétique; c'est ce qui semble s'être produit pour Tristan, complètement étranger à l'origine au cycle d'Arthur. Si la musique jouait le rôle principal dans l'exécution des lais bretons, les paroles avaient leur importance; il fallut les traduire; on les mit en vers français et ils devinrent sous cette forme de petits poèmes narratifs auxquels la communauté d'origine conserva un caractère commun dans leur genre nouveau.
Ce ne fut pas seulement par les lais que les traditions ou les fictions celtiques pénétrèrent dans la société polie d'Angleterre et de France et y suscitèrent une poésie nouvelle. Gaston Paris (Histoire littéraire de la France, t. XXX, pp. 9 à 12), a réuni un grand nombre de témoignages montrant les conteurs de la fin du XIe et du commencement du XIIe siècle brodant à qui mieux mieux sur le fond des aventures de la Table ronde dans lesquelles le caractère historique ou simplement légendaire au point de vue gallois d'Arthur s'efface de plus en plus. Le nom d'un de ces conteurs, un Gallois nommé Bléri ou Bréri, nous a même été conservé (Romania, VIII, 425, et Tristan, t. II, p. 40, édit. Francisque-Michel). D'Angleterre, la matière de Bretagne passa en France soit directement par les chanteurs et conteurs bretons, soit par l'intermédiaire des conteurs anglo-normands, soit déjà mise en vers dans les lais et poèmes anglo-normands.
Chevaliers de la Table Ronde.
Le chevaliers de la Table ronde (d'après un manuscrit médiéval).
Pour Zimmer, il ne peut être question de transmission des thèmes arthuriens par la voie anglo-normande, encore moins par la voie anglo-saxonne. D'après lui la haine xénophobe - dont il a rassemblé divers témoignages - s'opposait à un commerce intellectuel entre les populations celtique et leurs maîtres germains et norrois. Il a essayé en même temps de démontrer que la nature même des légendes celtiques, telles qu'elles nous ont été conservées, s'accommoderait beaucoup mieux d'une origine armoricaine que d'une provenance galloise (forêt de Broceliant, noms de localités, etc.). Autre argument important, le nom de breton, mentionné dans tant de textes et adapté à tant de destinations, n'aurait jamais voulu dire que Breton d'Armorique et ce ne serait qu'à une date récente et abusivement qu'on l'aurait étendu aux Celtes insulaires.Dans ses premières études sur la questions, Foerster ne prétendait laisser à Arthur d'autre passé, dans la légende, que la vague mention de l'Historia Britonum et mettait sur le compte de Gaufrei toute la célébrité du personnage. Après les travaux de Zimmer, il dut abandonner une partie de ses conclusions qui ne tendaient à rien moins qu'à faire admettre la non-celticité de tout le cycle breton; mais comme Zimmer, il localise la légende en Armorique d'où elle aurait passé en Normandie, puis dans le reste de la France. Enfin, secondé par Golther, il dénie aux romans en vers tout caractère traditionnel et ne veut retrouver le héros gallois que dans les romans en prose.
Nous devons borner ici cet exposé de la question. Disons seulement que le système de Zimmer, reproduit un peu plus tard par Brugger, au sujet du sens du mot breton dont l'importance est visible, a été ruiné par F. Lot dans ses Etudes et Nouveaux
Essais sur la provenance du cycle arthurien (Romania, XXIV, 497-513, et XXVIII, 1-48) où il démontre que les mots BritonesBritannigens Britannica, s'appliquent parfaitement aux Gallois dans les textes anciens et même au delà du XIIe siècle. En outre J. Loth, dans le Kritischer Jahrestbericht, I, 271, a démontré que « plusieurs des noms les plus importants de héros sont de forme galloise pure. »

En passant par la bouche des conteurs, les légendes arthuriennes perdirent rapidement leur caractère national. Les merveilleuses conquêtes du chef breton sont inconnues à nos poèmes; ses guerres contre les Saxons eux-mêmes disparaissent aussi bien que la catastrophe finale qui emporte Arthur; c'est à peine si l'on voit dans ces poèmes quelque allusion au retour futur du héros parmi les siens. Le plus célèbre et le plus habile de ceux qui en France recueillirent les récits des conteurs et les mirent en vers, Chrétien de Troyes, continuant la transformation commencée en Angleterre et dénaturant entièrement la tradition, fit de ces récits « les représentants par excellence de l'idéal de la haute société du XIIe siècle » (G. Paris, Littérature française au Moyen âge, p. 96). Chrétien et ses successeurs, prenant simplement le nom d'Arthur, incarnèrent en ce roi le type de la parfaite courtoisie; ils lui donnèrent une cour brillante, une escorte de chevaliers parfaits dont les types une fois créés se retrouvent partout avec le même caractère (sauf toutefois la reine Guenièvre qui est représentée tantôt comme une excellente épouse, tantôt comme une femme fort légère, tantôt comme entièrement vouée à l'amour de Lancelot). Dans tous les romans, un jeune chevalier inconnu, le plus souvent même sans parents, vient d'arriver à la cour d'Arthur quand une aventure quelconque, regardée par tous comme impraticable, sollicite son courage; il quitte la cour, accomplit l'aventure et ensuite beaucoup d'autres, et finit par épouser une jeune fille qui s'y trouve mêlée et qui lui apporte en dot un royaume (G. Paris). Il existe bien en français quelques romans plus rapprochés des sources bretonnes (Ider, etc.), mais c'est seulement dans les Mabinogion (excepté trois qui sont traduits du français) qu'on peut apprécier l'esprit gallois.

De bonne heure on imagina d'introduire dans les romans arthuriens l'histoire du saint vase ou Joseph d'Arimathie passait pour avoir recueilli le sang de Jésus (Graal). Plusieurs chevaliers de la Table ronde reçurent la tâche de retrouver le Graal et, suivant les narrateurs, cette tâche fut donnée tantôt à l'un tantôt à l'autre. C'est à Perceval qu'elle fut en premier lieu confiée, d'une façon d'ailleurs fort peu intelligible, par Chrétien de Troyes. Sur cette idée, Robert de Boron composa au commencement du XIIIe siècle un poème trilogique, Joseph d'Arimathie, Merlin, Perceval. Nous n'avons pas conservé la seconde partie du Merlin ni le Perceval de Robert , mais tous trois avaient été mis en prose au XIIIe siècle et nous les avons sous cette forme. Sur le Perceval de Chrétien, le poème de Robert et un Perceval en prose provenant d'un poème perdu, fut rédigé le roman en prose de la Quête du Saint Graal dont le héros est Galaad, fils de Lancelot et qui devint la source de tous les nombreux remaniements postérieurs en prose.
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Galaad.
Galaad, par G.F. Watts.
Les romans en vers sont tous écrits en vers de huit syllabes rimant deux à deux; ils sont destinés à être lus et non à être chantés comme les chansons de geste. Ils eurent un grand succès à l'étranger où ils furent introduits sous la forme de traductions délayées parmi lesquelles on ne rencontre que rarement une oeuvre ayant quelque valeur propre. Certains de nos poèmes ont été perdus sous la forme française et on ne les retrouve que dans ces traductions. (Am. Salmon).
Les romans de la table ronde sont, suivant la classification de Gaston Paris, ou biographiques ou épisodiques. Les premiers racontent la vie, ou, du moins, une partie de la vie d'un héros; d'abord assez courts pour être lus en trois ou quatre séances (ceux de Chrétien de Troyes ont environ 6000 vers), ils atteignirent bientôt, comme les chansons de geste, des proportions énormes (de 20000 à 30000 vers). Les seconds sont consacrés à un seul épisode de la vie d'un héros, qui est presque toujours Gauvain, considéré comme type de la courtoisie et de la vaillance; ils sont naturellement beaucoup plus courts. 
A la première catégorie appartiennent Meraugis de Portlesguez, par Raoul de Houdan, le plus habile des imitateurs de Chrétien de Troyes; Rigomer, par un certain Jean; le Bel Inconnu, par Renaut de Beaujeu; Fergus, par Guillaume Le Clerc; Escanor et Méliacin, par Girart d'Amiens. D'autres sont anonymes, comme IderGligloisBrun de la Montagnele Chevalier aux deux épéesFlorian et Florette, Durmart le Gallois. Presque tous ceux de la seconde catégorie sont anonymes; les principaux sont : l'Âtre (cimetièrepérilleux; le Chevalier à l'épée; Gauvain et Humbaut; la Vengeance de Raguidel, par un certain Raoul; la Mule sans frein, par Païen de Mézières. Beaucoup d'autres, perdus en français, sont conservés dans des traductions étrangères. Le dernier des romans en vers est l'immense et insipide Méliador, de Froissart (vers 1380).
Les romans en prose sont un peu postérieurs à ceux en vers; les plus anciens ne sont du reste que des poèmes "dérimés". C'est dans les romans en prose que s'accomplit la fusion des légendes arthuriennes et des récits mystiques sur le Graal. La plupart des romans en prose ont été finalement incorporés dans une vaste compilation (antérieure à la fin du XIIIs.), qui comprend six parties : le Grand Saint-Graal, Merlin, la Suite de Merlin (ou le Livre d'Arthur), Lancelot, la Quête du Graal, la Mort d'Arthur.

An XIVe siècle appartiennent Palamède (comprenant Méliadus et Guiron le Courtois), composé pour servir d'introduction générale au cycle, et Perceforêt, où la "légende d'Alexandre " est rattachée à celle d'Arthur.

Il nous est impossible de donner ici une analyse, même sommaire, des romans de la Table ronde. Nous devons nous borner à les énumérer, renvoyant pour certain d'entre eux aux brèves notices qui leurs sont consacrées dans le site; nous le ferons, avec quelques additions et modifications, suivant l'ordre (Tristan, poèmes de Chrétien de Troyes, romans épisodiques, romans biographiques) que leur a assigné Gaston Paris, qui leur a consacré presque la moitié du tome XXX de l'Histoire littéraire de la France, et en ajoutant l'indication des publications dont ils sont l'objet, ainsi que Beaudous, non étudié dans l'Histoire littéraire, et Escanor étudié seulement dans le tome XXXI. Nous donnerons les mêmes indications sur les romans en prose et nous réunirons dans la bibliographie l'indication des principaux travaux sur la matière :
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Romans en vers
I. Tristan.
Il. a. Chrétien de Troyes, ErècCligèsLancelot ou la Charrette, Ivain ou le chevalier au LionPerceval ou le conte du Graal.
b. Robert de Boron. Ce qui reste de ses oeuvres a été publié par Francisque-Michel sous le titre de : Roman du Saint-Graal (Bordeaux, 1841) et par J. Furnivall en appendice à son Seynt Graal of the Sank Ryal, 1863.
III. Romans épisodiques. 
A). La plupart se rapportent à Gauvain, neveu d'Arthur, personnage qui appartient à la tradition celtique la plus ancienne. Son nom apparaît pour la première fois dans un passage des Gesta regum Angliae de Guillaume de Malmesbury relatif à l'année 1086. Mentionné seulement dans Erec et Cligès, Gauvain joue un rôle accessoire dans la Charrette et le Chevalier au lion; dans Perceval, il est le second personnage du récit. A côté de ses prouesses et de sa supériorité dans les armes, sa sagesse et sa courtoisie sont telles qu'il est le modèle accompli de toutes les perfections chevaleresques; mais par là même, il est un peu dépourvu d'individualité. Aussi n'a-t-il pas à proprement parler de biographie et lui attribue-t-on plus d'une aventure qui est ailleurs rapportée à d'autres chevaliers (G. Paris). Son cheval a un nom particulier : Gringalet, tandis que ceux des héros bretons n'en portent pas. Une autre particularité qui distingue Gauvain, c'est que, contrairement à l'usage des chevaliers errants, il a pour règle absolue de ne jamais cacher son nom quand on le lui demande. Il est à remarquer aussi que son nom est presque toujours précédé du titre de « mon seigneur » (Hist litt., p. 29-45).
a. La Vengeance de Raguidel, publié par Hippeau sous le titre de Messire Gauvain, par suite d'une mauvaise lecture de l'intitulé, des aniaus, que porte le poème dans le manuscrit unique du musée Condé, à Chantilly. - Hist. litt., p. 45-67.
b. Le Chevalier à l'épée, publié par Méon, Nouv. rec. de fabliaux et contes, I, 127. - Hist. litt., p. 67;
c. Payen de Mézières, la Mule sans frein; Méon, Nouv. rec., I, 4. - Hist. litt., p. 68.
d. Gauvain et Humbaut. Le titre dans le manuscrit est De Gumbaut. - Hist. litt., p. 69.
e. Gauvain et le vert chevalier, conservé dans une version anglaise du XIVe siècle; publié par sir Fr. Madden, Sir Gawayne, a collection of ancient romans poems relating to that celebrated Knight of the Round Table, Londres, 1839. Miss Martha Carey Thomas, Sir Gawayne and the green Knight, Zurich, 1883, et Romania, XII, 37.6. - Hist. litt., pp. 71-78.
f. L'Atre (cimetière) périlleux, publié dans l'Archiv fur Kunde der neueren Sprachen de Herrig, t. XLII, 1868, p. 212. - Hist. litt., 78-82.
g. Gauvain et l'échiquier. N'existe plus que dans une version néerlandaise, Walewein, de Penninc et Pierre Vorstaërt (vers 1250), publiée par Jonckhloët, Geschiedenis der nederlandsche Letterkunde in de Middeleeuwen, Groningue,1884. - Hist. litt., pp. 82-84.
h. Gauvain et Keu; n'existe plus en français; inséré dans le livre III du Lancelot néerlandais. - Hist. litt., pp. 84-86.
i. Jehan, Rigomer; XIIIe siècle; inédit et incomplet dans le manuscrit unique du musée Condé (Chantilly). - Hist. litt., pp. 86-96.
j. Gérard d'Amiens, Escanor; fin du XIIIe siècle. Publié par Michelant, Tübingen, 1866 (Bibl. des literar. Vereins zu Stuttgart). Cf. Mussafia, Zeitschr. für rom. Philol., XI, 421. Le récit comprend les luttes d'Escanor et de Gauvain, et les amours du sénéchal Keu avec la princesse Audrivette de Norhumberlande. - Hist. litt., XXXI, 151-171.
k. The aventurs of Arthur at the Tarne Watheling; écrit au XVe siècle par un Ecossais d'après un modèle français. Publié par sir Fr. Madden, Sir Gawayne, et par Robson, Thre early english metrical romances, Londres, 1842. - Hist. litt., XXX, p. 96.
l. Le Mariage de Gauvain, conservé seulement en anglais dans un poème, The Wedding of sir Gawen, publié par sir F. Madden, et dans une ballade publiée par Francis J. Child, The english and scottish popular Ballads, Boston, 1883. - Hist. litt., pp. 97-103.
B). Autres poèmes épisodiques. Pour les lais, voir l'article qui leur est consacré. En outre cinq autres poèmes ne sont pas consacrés à Gauvain :
a. Le Mantel mal taillé; XIIIe siècle; publié par Fr.-A. Wulff, dans la Romania, XIV, 343. - Hist. litt., XIX, 712-716, et XXX, 103.
b. Chevalier du perroquet ou Conte du papegaut, conservé dans un texte en prose française du XVe siècle et remontant à un poème qui aurait été composé en alexandrins. - Hist. litt., XXX, 103-110.
c. Arthur et le roi de Cornouailles. Ballade anglaise, remontant à travers un poème antérieur d'une autre forme à un poème anglo-normand. N'existe plus qu'en fragments qui ont été publiés par Child. - Hist. litt., p. 110.
d. Les Voeux de Baudouin (Beduer, le bouteiller d'Arthur) conservé dans une version anglaise publiée par Robson. - Hist. litt., pp. 111-113.
e. Lancelot et le cerf au pied blanc. Occupe 856 vers dans le livre III de la compilation néerlandaise de Lancelot. - Hist. litt., pp. 113-118.
IV. Romans biographiques. 
Outre les deux TristanErecCligèsPerceval et Ivain, on possède une vingtaine de romans biographiques conçus sur le modèle des précédents. - Hist. litt., pp. 118-121.
a. Robert de Blois, Beaudous, récit à tendances morales, publié par J. Ulrich, Berlin, 1889.
b. Blandin de Cornouaille; XIVe siècle, publié par Paul Meyer, Romania, II, 170. - Hist. litt., XXII, 234-236, et XXX, 127.
c. Le Chevalier à la manche. Conservé dans une version néerlandaise qui ne donne pas le nom du héros, et inséré dans la compilation de Lancelot. - Hist. litt., 121-123.
d. Claris et Laris; fin du XIIIe siècle, publié par Johann Alton, Tübingen, 1884 (Bibliolhek des literarischen Vereins zu Stuttgart). - Hist. litt., 122-130.
e. Daniel, traduction par le Strieker d'un poème français. - Hist. litt., 136-141.
f. Durmart le gallois; poème écrit au début du XIIIe siècle en Picardie et imité de Chrétien de Troyes, publié par Stengel, 1873 (Bibl. des liter. Ver. zu Stuttg.),  Foerster, dans
Zeitschrift für die österreichen Gymnasien, 1874, pp. 134-162, et Jahrbuch für romanische Literatur, XIII, 65,181.- Hist. litt., 141-159.g. Fergus, commencement du XIIIe siècle. Publié par E. Martin, Halle, 1872. - Hist. litt., XIX, 654-665, et XXX, 159-160.
h. Floriant et Florete; XIIe-XIIIe siècle, publié par Francisque-Michel, Edimbourg, 1873. Fœrster dans Zeitschr. für die österr. Gymn., VII, pp. 538-546, et G. Paris, Romania, IV, 311. - Hist. litt., XXVIII, 139-179, et XXX, 160.
i. Gligois; XIIe-XIIIe siècle. - Hist. litt., XXX, 161-170.
j. Renaud de Beaujeu, Guinglain ou le bel Inconnu; commencement du XIIIe siècle. Un des plus intéressants et des plus agréables poèmes de tout le cycle breton. Guinglain est le fils de Gauvain. Publié par Hippeau, Paris, 1860. Mussafia dans Jahrb. für rom. Liter., IV, 417, et Foerster dans Zeitschr. für rom, philologie, II, 78. - Hist. litt., 171-199.
k. Ider, un des guerriers d'Arthur, mentionné par Gaufrey de Monmouth. Commencement du XIIIe siècle. Inédit, doit être publié dans la collection de la Société des Anciens Textes français. - Hist. litt., 199-215.
l. Jaufré, poème provençal écrit peu après 1225; publié par Raynouard, Choix des poésies originales des Troubadours, II, 285-293. Cf. Bartsch, Grundriss der Provenz. Literatur, p. 17. - Hist. litt., XXII, 224-234, et XXX, 215-217.
m. Lancelet, poème allemand d'Ulrich de Zatzikhoven. Romania, X, 465-496, et XII, 459. - Hist. litt., XXII, 212-223, et XXX, 248.
n. Manuel et Amande. Poème allemand du XIIe siècle dont il ne reste que trois fragments publiés par Osw. Zingerle, dans Zeitschr. fur deutsches Alterthum, nouv. sér., XIV, 297-307. - Hist. litt., XXX, 218.
o. Raoul de Hondenc, Meraugis de Portlesguez, poème presque aussi célèbre au Moyen âge que ceux de Chrétien que Raoul a visiblement imité dans son style. Publié par Mathias Friedwagner, Halle, 1897. G. Paris, Romania, XXVII, 307. - Hist. litt., 220-237.
p. Meriadeuc ou le chevalier aux deux épées, long et peu intéressant poème du XIIIe siècle. Publié par Foerster en 1877. - Hist. litt., 237-246.
q. Morien. Conservé en néerlandais dans la compilation de Lancelot. - Hist. litt., 247-254.
r. Perceval, poème anglais, XIIIe siècle, publié par Halliwel, Sir Perceval, 1877. - Hist. litt., 254-261.
s. Saigremor, personnage qui apparaît dans l'Erec de Chrétien. Le poème qui lui a été consacré en français est perdu; on en a une traduction allemande dont il reste seulement des fragments. GermaniaVierteljahrsschrift für deutsche Altterthumskunde, begrundet von Fr. Pfeiffer, herausgegeben von K. Bartsch, t. XVIII, p. 115. - Hist. litt., 261-262. 
s. Torec, par Jacob de Maerlant, adaption d'un poème français insérée dans la compilation néerlandaise de Lancelot; publié à part par Jan de Winkel en 1875. - Hist. litt., 263-269.
Romans en prose
Un grand nombre des romans en prose sont encore inédits ou n'ont pas été réédités depuis le XVIe siècle. La critique n'a pas toujours résolu suffisamment les questions extrêmement difficiles que soulèvent l'origine, la date et la patrie de ces romans ainsi que leur rapport avec les poèmes. C'est avec une extrême réserve que l'on doit accueillir l'opinion de Foerster qui voyait dans les romans en prose le « refuge des traditions orales que les rhapsodes (il vaudrait mieux dire conteurs) armoricains ont popularisées ». Il ne nous est pas possible d'entrer ici dans la discussion des questions que nous venons d'indiquer. La plupart des romans en prose ont été l'objet de notices sommaires et peu exactes dans le t. XV, pp. 494-500, de l'Histoire littéraire de la France; nous ne les rappellerons pas à chacun des romans dans la liste suivante, nous bornant à citer les travaux postérieurs qui les complètent et les rectifient, et à indiquer une fois pour toutes l'étude que l'on consulte toujours avec profit, mise par Paulin Paris en tête de sa publication : Les Romans de la Table ronde, mis en français moderne, Paris (1868-1877).
a. Perceval ou Perlesvaus, publié par Potvin dans le t. I du Perceval de Chrétien. Raconte d'après un poème perdu la quête du Graal par Perceval, Gauvain et Lancelot.
b. Quête du saint Graal, rédigée d'après Chrétien de Troyes, Robert de Boron et Perceval en prose; perdue en français et conservée dans une traduction portugaise (publication commencée par K. von Reinhardtstöttner, 1897, et inachevée.Romania. XVI, 582.
c. Saint Graal, remaniement de Joseph de Robert de Boron. Publié par E. Hucher, Le Mans, 1864-1868. Autre texte publié par J. Furnivall pour le Roxburgh Club de Londres, 1884.
d. Lancelot en prose, compilé vers 1220; devint la forme définitive des diverses aventures des chevaliers de la Table ronde. Il commence à la naissance et finit à la mort de Lancelot; outre la vie de ce dernier, il contient les aventures de Perceval et de beaucoup d'autres, le récit de la recherche du Graal (conquis par Galaad, fils de Lancelot, et non plus par Perceval), les derniers événements du règne d'Arthur. Ce roman n'a pas été republié en entier depuis le XVIe siècle. Jonckbloët en a inséré des passages importants dans son édition du Lancelot néerlandais, S'Gravenhague, 1846-49, et dans son édition du Roman de la Charrette.
e. Palamède (appelé aussi Meliadus de Léonnois, pour la première partie, et Guiron le Courtois pour la seconde). Compilation faite pour servir d'introduction à tous les autres romans et à laquelle on donna pour auteur un personnage fictif qu'on appelait Elie de Boron et qui était censé parent de Robert. Publiée au XVIe siècle. Pio Rajna, le Fonti dell' Orlando furioso, p. 111, et Romania, IV, 264 ; Fr. Tassi, Girone il Cortese, 1855; le Roman en prose de Tristan, le Roman de Palamède et la Compilation de Rusticien de Pise, analyse critique d'après les manuscrits de Paris, par Löseth, Paris, 1891.
f. Merlin, le Conte du brait (dernier cri qu'aurait poussé Merlin enfermé vif dans sa tombe par une ruse de celle qu'il aimait), et autres suites du Merlin. Une des versions de Merlin, en prose, a été publiée par G. Paris et J. Ulrich dans la collection de la Société des Anciens Textes, Paris, 1886. La version dite de la Vulgate a été publiée par Oskar Sommer, Londres, 1894. Sur le livre d'Artus, continuation du Merlin,  F. Freymond, Zeitschrift für rom. Philol., XVI, 90-1127; le même, Beitrüge zur Kenntniss der altfranz. Artusromane in prose; Berlin, 1895.
g. Perceforest, écrit vers le milieu du XIVe siècle pour rattacher la légende d'Alexandre le Grand à celle d'Arthur.  G. Paris, dans Romania, XXXIII, 78-140.

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