la fille du capitaine, Pouchkine - Français

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samedi 18 janvier 2020

la fille du capitaine, Pouchkine

 la fille du capitaine pouchkine




Le récit


Le jeune Piotr Andréievitch Griniov, fils d'une famille noble, est le héros de ce court roman d'Alexandre Pouchkine. Il est âgé de dix sept ans quand son père décide de l'envoyer au service non pas à Peterbourg comme le jeune homme l'espérait mais à Orenbourg, une forteresse militaire au sud de l'Oural, région de cosaques. Il part avec son fidèle serf Savelitch. Au cours de long voyage il rencontre un moujik mystérieux qui lui sert de guide pour échapper à une tempête de neige. En guise de remerciement Piotr donne son touloupe de lièvre à cet homme trop légèrement vêtu, un don qui lui sauvera la vie comme on le verra par la suite. Arrivé à la forteresse de Biélogorsjkaïa, il fait connaissance du capitaine Ivan Kouzmitch Mironova commandant de la forteresse, de son épouse Vassilisa Iegorova et de leur fille, Maria Ivanovna. Il se lie d'amitié avec l'officier Chvabrine qui devient son ami avant de devenir son rival auprès de Maria. Car on s'en doute, Piotr tombe amoureux de la fille du capitaine et veut l'épouser à la grande colère du père du jeune homme. C'est alors qu'éclate la révolte d'Emilian Pougatchev.


Le contexte historique


Le roman publié en 1836 se situe à la fin du XVIII siècle, au moment ou le cosaque Emilian Pougatchev, après s'être auto proclamé Tsar sous le nom de Pierre III, organise l'insurrection des cosaques du Yaïk (ancien nom de l'Oural) auxquels se joignent des Tatares, des Bachkirs, des Kazakhs et des serfs désireux de secouer le joug de l'esclavage. D'abord considéré comme un ennemi négligeable, Pougatchev emporte des victoires militaires (il a servi dans l'armée russe), s'empare de forteresses de l'Oural puis assiège Orenbourg. La tsarine Catherine II le prend alors au sérieux et concentre ses forces sur l'usurpateur. Celui-ci abandonné par la noblesse cosaque qui voit d'un mauvais œil les serfs s'allier à eux, est défait en septembre 1774 et exécuté en Janvier1775.

C'est dans ce contexte que se déroule l'histoire des amours contrariés de Piotr Andriévitch Griniov et de Maria Ivanovna Mironova. Pouchkine qui s'est documenté sur Pougatchov dont il voulait écrire l'histoire mêle dans ce roman des connaissances historiques précises et des éléments purement romanesques. Le "bandit" Pougatchov dont Pouchkine décrit par ailleurs la cruauté, devient sous la plume de l'écrivain un personnage complexe, capable d'amitié et de reconnaissance, pratiquant une forme d'honneur, de fidélité à la parole donnée, qui pour ne pas être russe et noble, n'en est pas moins sympathique. L'on peut sentir de la part de Pouchkine, libéral exilé pour ses écrits par le tsar Alexandre Ier, une certaine admiration envers cet homme qui a lutté contre l'autoritarisme tsariste.


Des personnages attachants et vivants


Deux jeunes héros romantiques :

Les personnages de deux jeunes amoureux sont attachants et charmants bien qu'un peu conventionnels. Tous deux sont dotés des qualités qui font les héros romantiques de l'époque : Piotr est courageux, ardent, sincère, généreux, fidèle à la parole donnée, il a le sens de l'honneur, se bat en duel pour les beaux yeux de sa belle. Quant à ses faiblesses, ce sont celles d'un tout jeune homme et donc pardonnables car il a un bon fond et s'en repent! C'est peut-être grâce à ces défauts liés à son inexpérience et son impétuosité qu'il échappe à la convention pour devenir tout à fait humain.

Maria, la petite Macha, est une poltronne qui a peur de tout comme le dit sa mère mais elle aussi à le sens de l'honneur; ainsi elle refuse d'épouser le jeune homme si le père n'y consent pas mais elle a un rôle assez fade dans la première partie; elle disparaît ensuite dans le récit au profit du jeune homme qui est en fait le véritable héros du récit même si le titre semble dire le contraire. C'est dans la dernière partie qu'elle devient plus intéressante et que la "poltronne" affirme sa personnalité et son courage. Lorsque, prisonnière, elle préfère mourir plutôt que d'épouser Chvabrine contre son gré, lorsqu'elle se fait aimer des parents du jeune homme par sa simplicité et sa dignité, lorsqu'elle se rend, enfin, près de l'impératrice Catherine II pour sauver la vie de celui qu'elle aime.

Des personnages secondaires bien campés :

J'aime beaucoup aussi les parents de Maria. Issus d'une classe moins élevée que celle des Griniov, plus populaires et sans fortune, ils sont criants de vérité dans leur manière de s'exprimer, la simplicité de leur vie, leurs querelles de vieux couple indissolublement lié pourtant par un amour qui ne recule devant aucun danger quand la forteresse est attaquée par Pougatchov. La manière dont Vassilisa Iegorova, une maîtresse femme, mène son mari par le bout du nez et de même les soldats qui obéissent à "la commandante", permet quelques délicieuses scènes de comédie; ce qui n'empêche pas la grandeur du personnage quand elle rejoint son mari dans la mort.
"Bien, dit la commandante. D'accord, envoyons Macha. Quant à moi, ne rêve même pas de me le demander. Je ne partirai pas. Pour rien au monde, en mes vieux jours, je ne me séparerai de toi et n'irai chercher une tombe solitaire dans une terre étrangère. Ensemble on a vécu, ensemble on mourra."

Des personnages du peuple savoureux :

Mais là où Pouchkine excelle, c'est quand il brosse le portrait des classes populaires, des paysans, et en particulier, ici, du serf Savelitch qui a éduqué Piotr Andriévitch et l'aime comme un fils. Pouchkine a le don de faire parler les hommes du peuple. Il peint à merveille le mélange de soumission absolu de l'esclave au maître, les gémissements et les plaintes du serviteur qui s'estime mal traité, les grommellements mécontents quand le petit se conduit mal introduisant ainsi des petits moments de comique répétitif comme lorsque Savelitch reproche à Piotr Andréiévitch d'avoir donné sa pelisse de lièvre "presque entièrement neuve" à un brigand; ce qui n'empêche pas les éclats de courage pleins de grandeur quand il s'agit de défendre l'enfant qui est sous sa garde.


L'exotisme du récit


Et puis comme d'habitude il y a le charme des récits d'aventure russes, le long voyage en traîneau dans la steppe et l'inévitable tempête de neige comme dans la nouvelle du même titre de Pouchkine ou de Tolstoï; ce qui correspond à une réalité russe et fait passer sur nous, lecteurs, le frisson glacé de l'aventure.
"Le vent entre temps devenait d'heure en heure plus violent. Le petit nuage s'était transformé en un gros nuage blanc, qui montait lourdement, grandissait et par degrés envahissait le ciel. Une neige fine commença à tomber, puis soudain elle se déversa en gros flocons. Le vent se mit à hurler, la tourmente se déchaîna. Instantanément le ciel sombre se confondit avec la mer de neige. Tout disparut. (…) Je regardai par la portière de la Kibitka : tout n'était que ténèbres et tourbillons."

Le siège d'Orenbourg, les "forçats défigurés par les tenailles du bourreau" (on leur arrachait les narines jusqu'à l'os en signe d'infamie) travaillant aux renforcements des murailles de la forteresse, la famine, la maladie qui déciment les assiégés, les bandes de Pougatchov avec ses moujiks armés de gourdins, ses criminels évadés des mines sibériennes, ses cosaques chargeant sur leurs chevaux kirghizes, et par dessus tout la figure du faux tsar Pougatchov lui-même rendant la justice, tout concourt à faire de cette histoire un récit d'aventure passionnant et qui excite non seulement l'imagination du lecteur mais aussi celle du jeune héros!
" Pougatchov était assis dans un fauteuil sur le perron de la maison du commandant. Il portait un cafetan rouge à la cosaque bordé de galons. Un haut bonnet de zibeline à glands d'or était enfoncé jusqu'à ses yeux étincelants. Son visage me semble connu. Les chefs cosaques l'entouraient."


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